Mordicus d’Athènes

Il arrive que de grands noms de la philosophie échappent aux perpétuelles célébrations intellectuelles de leur enseignement. Nous connaissions l’Ecole du Portique pour les stoïciens, l’Académie pour les Platoniciens, le Lycéen pour les aristotéliciens, mais qui connait l ‘Ecole Ethylique, fondée par le grand philosophe Mordicus d’Athènes ?

Selon les documents,  Mordicus serait né en 328 avant Jésus-Christ à Athènes. Il créa la fameuse Ecole Ethylique qui connut un grand succès pendant toute l’Antiquité… Il mourut entouré de ses disciples en 244…

Les siècles passants, on oublia l’enseignement de Mordicus. Mais ses disciples recueillirent ses enseignements en des recueils fort pratiques.  Ce n’est qu’au XVIe siècle que l’enseignement de Mordicus est remis au goût du jour. Rabelais confia s’en être inspiré. Les soirs de langueur, Molière, y trouva un perpétuelle source d’inspiration. On dit même que Alphonse Allais ne se séparait jamais d’un petit carnet où étaients inscrites quelques citations de l’Athénien.

Parmi les grandes citations de Mordicus, on retient surtout celles ci :

« Gouverner, c’est prévoir ; prévoir, c’est voir loin pour y regarder de plus près. Et c’est là que j’ai des doutes »

Ou encore cette sentence, critique à l’égard de Socrate :

« Celui qui ne sait rien en sait tout autant que celui qui n’en sait pas plus

que lui ».

D’autres citations, tant admirées de Guy Debord et Lucien Jerphagnon :

« Si il y avait moins de gens dans la foule, il y aurait plus de monde. »

« La devise de l’homme d’Etat digne de ce nom est « penser d’abord, agir ensuite, et réfléchir après. »

« Rien de sert de soutenir ce qui ne tient pas debout. »

« Pour l’honneur de la République et la pérennité de ses institution parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler sont les deux principes majeurs de tous ceux qui feraient mieux de la fermer avant de l’ouvrir. »

« Heureux celui qui, ayant fait le don de sa personne aux forces supérieures du cœur et de l’esprit, consacre son existence à consoler les régions désolées. »

« Celui là mérite le titre envié de libre citoyen de la République qui, au lieu de mettre ses pieds dans ses sandales, met ses sandales à ses pieds pour prend plus rapidement ses jambes à son cou et mettre ses coudes à la hauteur des circonstances afin de courir plus vite à la recherche de l’idéal ».

Mais le plus fervent disciple du siècle passé fut vraisemblablement le colonel Hubert De Guerlasse. En pélerinage dans les ruines antiques athéniennes, il eut l’occasion de se rendre sur la tombe, encore visible, de l’illustre philosophe ivrogne. Une transcription de cet instant mémorable immortalisé par la radio, nous a été communiqué :

Le colonel de Guerlasse  sur la tombe de Mordicus d’Athènes, sous la direction de son guide grec Thrasibule Artimon Tiktaxis Papamakairodactylo-sténolargyropoulos :  

  – Voilà, mon colonel. Nous y sommes… Vous découvrez devant vous le terre-plein Ouest de la colline de la Pnyx où se trouve le tombeau de Mordicus d’Athènes.
Visiblement surpris, le colonel de Guerlasse demeura silencieux pendant un long moment. Puis, la voix moins assurée que d’habitude, il finit par s’adresser au guide :
– Thrasi, à mon retour à Paris, je vous proposerai pour le grade de chevalier du Mérite-une-Récompense. Rien ne pouvait me procurer plus de joie et d’émotion que de pouvoir me recueillir sur la tombe de celui qui je considère comme mon maître à penser.
– Suivez-moi. C’est à deux pas… un peu à droite… demi-tour à présent, un léger à gauche… Voilà, c’est ici…
Hubert de Guerlasse ne put retenir une larme…
– C’est donc là qu’Il repose de Son éternel sommeil ?
– Oui, mon colonel. Comme vous pouvez le constater, sa pierre tombale entièrement en marbre de Paros est entourée de vigne et de flacons vides, pieusement conservés.
– Pouvez-vous me traduire l’inscription gravée sur la tombe ? Elle est en grec ancien et je regrette de ne rien entendre à cette langue sacrée.
– … « Ici repose, dans la paix des dieux de l’Olympe, Mordicus d’Athènes, l’illustre philosophe ivrogne athénien, fondateur de l’Ecole éthylique, 328-244, au fond de la cour à droite avant l’ère chrétienne. »
– Quelle grandeur dans sa simplicité ! J’aperçois d’autres tombes qui entourent celle de mon vénéré maître.
– Ce sont celles de ses plus fervents disciples : Synoch de Smyrne, Ringard de Syracuse, Taxiphose de Lépante, Mersakos de Chalcidique, Pedalos des Cyclades, Leguminos de Macédoine, Salicitate de Soude… Conformément aux dernières volontés de l’illustre philosophe, chaque année, à l’époque du mardi gras et de la mi-carême, de pieux pèlerinages et d’imposantes solennités sont organisés avec la présence effective des plus hautes autorités civiles, militaires et religieuses, des corps constitués et des personnalités les plus marquantes du monde des lettres, des arts, du barreau, de la psychiatrie, des débitants de boisson et de la voiture d’occasion. Les cérémonies s’achèvent régulièrement par un concert auquel participent les Petits Chanteurs à la Dalle-en-Pente et la Société des Trompes de Chasse du Péloponèse et du Pentathlon réunis.
– Tout cela est tellement grand que ça me dépasserait presque ! conclut le colonel. Thrasi, je vous jure que je n’oublierai jamais ce moment !

L’enseignement de Mordicus mérite donc d’être soutenu. Certains s’y emploient depuis des décennies. Pierre Dac a puissamment contribué à la diffusion des idées éthyliques dans ses Pensées, parues en 1972, mais aussi dans Bons baisers de partout. L’opération Tupeula, – 2, Paris, éditions Librio, p. 81-82.

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