Loi n° 2010-1192 : une marginalisation de plus ?

 

une loi "dévoilée" aujourd'hui...

Aujourd’hui est entrée en vigueur la  loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public décrétant l’interdiction du port du voile intégral, ou niqab dans les lieux publics : administrations, jardins publics, écoles, etc…  L’article 4 prévoit que :

« Le fait pour toute personne d’imposer à une ou plusieurs autres personnes de dissimuler leur visage par menace, violence, contrainte, abus d’autorité ou abus de pouvoir, en raison de leur sexe, est puni d’un an d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
« Lorsque le fait est commis au préjudice d’un mineur, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 € d’amende. »

Il faut noter que cette loi ne vise pas explicitement  les femmes voilées, c’est l’acte d’imposer le voile qui est condamnable donc les époux, mais si le voile est porté volontairement, est-on en infraction ?

L’article 1, stipule que « Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage. ». Etudiants, anarchistes, casseurs, dites adieu à votre anonymat ! Je vois bien les CRS courir après les casseurs en leur hurlant dans le megaphone de baisser leurs foulards !

Cette loi, réactionnaire, inutile, inapplicable, ne touche guère qu’une infime frange de la population. Si les ultra-laïcards associés à l’Extrême Droite applaudissent, d’autres son plus circonspects voire carrément sceptiques pour des raisons tenant à la fois de l’application de la loi, en soi inapplicable puisque les forces de l’ordre ne vont pas sillonner les rues des banlieues pour faire respecter la loi, d’autres au nom d’une conception « ouverte » de la laïcité vivant cette nouvelle disposition législative comme une atteinte aux libertés fondamentales.

Pour ma part, je pense à deux choses sur le voile islamique dont le niqab, comme le hijab ou le jilbab est une variante.

D’un coté, j’ai toujours pensé et pense toujours, que le voile, est une aberration, anachronique dans nos sociétés occidentales, mais pas dans des société plus traditionnelles où la religion se confond souvent avec la valorisation d’une identité nettement marquée. Le Printemps Arabe pourrait démentir ce que je viens d’écrire, comme une soif de libertés fondamentales, face aux restrictions politiques de dictateurs et aux imams un peu trop conservateurs.

D’un autre coté, je me dis qu’on est libre en France de porter le voile quand on est une femme, mais qu’il est difficile de l’afficher dans l’espace public, au regard des autres puisqu’on assimile celle qui le porte au mieux à une musulmane traditionnelle, au pire à une religion dégénérée commune à l’ensemble des « Arabes ». En gros, le voile est synonymes des clichés les plus ignobles sur l’Islam, diabolisé, fantasmé, redouté… exclu. Oui exclu, parce que l’immense majorité des musulmans  de France sont maghrébins, Français ou résidant en France, et que cette partie de la population, fragile est soumise à bien des préjugés,; elle est marginalisée, et on l’entend si peu dans les médias. Bouc émissaire utile en somme pour un pays en mal de repères. Au lieu de libérer la parole, on la corsette au lieu d’inciter, on réprime…

Cette religion est malmenée en France par les ultra-laïcs, la droite dite nationale allant de la frange réactionnaire de l’UMP (Ciotti) au FN et même au-delà avec les groupuscules skin-heads plus ou moins affiliés à l’Action française. L’UMP en tête lorsqu’elle organise un débat sur la laïcité attaque frontalement l’Islam comme la religion à abattre en France.

Combien de femmes portent le niqab en France ? les RG disent 300. Dans les faits elles sont davantage ce me semble mais pas au point d’en faire une loi… Le niqab n’est qu’un simptome, l’écume d’un problème plus important : l’intégration et l’acceptation en France de personnes de confessions, de traditions, de cultures différentes…  La tradition républicaine dans les faits souhaite une assimilation au moule national sans aspérités, sans différence pour mieux assimiler. C’est ce qu’avait voulu la Convention montagnarde pendant la Révolution. L’Etat centralisateur devait tout voir et tout connaître des citoyens. L’Etat est certes dans son rôle lorsqu’il légifère sur le port du voile : pour identifier une personne on doit voir son visage.

L’identité d’un individu est conditionnée à sa visibilité et donc à sa reconnaissance dans l’espace public. Comme une signature authentifie l’acceptation du signataire à un document, le visage occupe ce rôle dans les relations entre individus. Le niqab dérange car la femme se soustrait à ce contrôle, à cette authentification.

En quelque sorte, le niqab neutralise l’individualité d’une femme, et voile à la face du monde l’identité corporelle d’une femme, jusqu’à la chosifier. Il postule que l’autre, l’interlocuteur masculin, est un agresseur, agression qui se manifeste par le regard, et le désir potentiel que peut engendre le physique féminin. La niqab dérange aussi puisque dans une société mercantile valorisant l’apparence sur l’essence, le corporel à l’intellectuel, le corps féminin, si possible jeune, dénudé, et mince est marchandisé et exalté comme une condition du bonheur.

Le niqab découle d’une interprétation littérale et ultra-conservatrice du Coran. Ce n’est pas la religion islamique qui est en cause, mais bien ceux qui l’utilisent comme prétexte identitaire et revendicatif à l’égard de ceux qui la pratiquent pas. L’islam intégriste est une réponse à l’exclusion dont sont victimes les franges les plus fragiles des populations des banlieues. Ce n’est pas la seule réponse, mais elle donne des réponses face aux difficultés de la vie que la République est incapable de donner malgré ses prétentions philanthropiques et universalistes?

Là vient le problème de savoir si le niqab est librement consenti par les femmes… Les féministes diront que non bien entendu, mais il est très difficile de comprendre les motivations poussant la femme à se voiler. Protection, acte d’amour etc..

Le problème de cette loi, est qu’elle atteint elle même les libertés fondamentales reconnues par les droits de l’homme : une femme est libre de se voiler en France, même si ce voile est intégral. Je ne crois pas que les effectifs de femmes portant le voile intégral  soient en constante augmentation : ça se verrait, ça se saurait…

Ce qui me dérange, c’est qu’au nom d’une conception restrictive de la laïcité (voire électoraliste, c’est évident) dans l’espace public on réprouve autant les religions que ses signes les plus élémentaires. Oui, le voile est un signe de l’islam traditionnel.  Cette nouvelle loi est une manifestation toute jacobine d’une volonté de l’Etat de régenter, de légiférer les comportements. Bientôt on interdira les crucifix dans les églises sous prétexte qu’elles peuvent choquer les touristes. Les ultras-laïcs font du Le Pen sans le savoir, obnubilés par leur combat. L’UMP, le fait à dessein pour ratisser sur les terres de Jean-Marie. Car ce texte, comme le débat sur la laïcité alimente une fois de plus la politique identitaire d’une partie de l’UMP voulue par Sarkozy, réclamée par des députés réactionnaires tels que Christian Vanneste…

Enfin, cette loi est bien pratique pour dissimuler des problèmes plus importants touchant l’ensemble de la population : chômage, logement, etc. Restons dans le fantasme et l’irréel.

2 réflexions sur “Loi n° 2010-1192 : une marginalisation de plus ?

  1. Ton billet est très intéressant. Pour ma part, je ne vois pas non plus comment cette loi pourrait effectivement être appliquée quotidiennement. Au lieu de résoudre un problème, on ne fait que l’amplifier, il me semble.

  2. les
    les ultra laics font du Le Pen?
    et les ultra religieux qui mangent la Républiques, ils font quoi?
    et les ultra aveugles (et sourds), ils feront quoi quand cette religion totalitaire les aura mangés?

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